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Chronique d'un soir quotidien *
Bonsoir Mesdames et Messieurs !
Bienvenus pour cette soirée en famille !
Laissez-moi vous présenter Papa, affalé sur le canapé, qui engloutit des pistaches en goûtant à son alcool de pomme, à moins que ce ne soit le contraire... alors que maman vérifie si mon cartable est fait pour demain, comme tous les soirs.
Mais qui voilà tout-à-coup sur le tapis persan offert par mamie Monique ? Pépette ! L'araignée du soir, qui se la joue "horde sauvage" et galope toutes pattes dehors pour se blottir dans l'ombre du buffet avant que papa ne la surprenne.
Trop tard ! Papa, le poil hérissé façon frayeur de chat, saisit la boîte « j'attrape-l'insecte », toujours à portée de ses paluches velues ! D'un plongeon d'albatros il fuse vers l’arachnide qui n'a que sa vie pour vitesse, et du premier coup couvre les huit longues papattes avec la boîte en plastique !
Papa exulte, levant les bras vers le ciel et poussant un hurlement de porte qui grince ; hélas, il n'a pas vu que la boîte est restée collée à la paume de sa main, ce dont Pépette profite pour se tirer en lousedé.
Mais Papa l'a remarquée du coin de l’œil ! Il galope à son tour, bousculant chaises pantoufles et télécommandes pour rattraper la friponne qui le nargue au moins depuis qu'il a débouché le jus d'alcool de pomme mentionné plus haut.
Soudain Pépette fait volte-face. Laissant sa patte sud-sud-ouest déraper élégamment, elle prend cette fois-ci la tangente du canapé, où les coussins sont encore figés par le popotin de papounet.
Là c'en est trop, car Papa, au faite de la testostérone que son instinct de territoire déverse à grand flot dans ses yeux craquelés de ridules rouges, n'est pas prêt à laisser Pépette en réchapper ! Saisissant la boîte qui se trouve par chance sous sa main gauche, qui est elle-même près de son pied droit, il l'abat sur Pépette et la piège.
Papa haletant, maman est descendue, effarée de voir que le domicile conjugal n'est plus que chaos, et pour une fois elle n'a plus de mot.
Alors Papa ferme la petite boîte de plastique, va dans le jardin, et dépose délicatement Pépette dans l'ombre des fleurs et des feuilles d'automne... Pépette qui n'a qu'une hâte : piquer un tout-droit vers la chaleur du logis dont on vient justement, ou injustement de l'évincer.
Et pendant que Pépette retrouve la chaleur du radiateur qu’elle avait naguère quittée, Papa passe devant Maman, un peu penaud, et va faire la vaisselle, parce qu’il faut quand même pas déconner, hein !
* D'après une idée de mon fils, fin observateur des mœurs familiales.
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Commentaires
2MathildaMardi 24 Octobre 2017 à 23:47Pourquoi cette obsession ? attraper Pépette à tout prix à en mettre la maison sens dessus dessous ?
Un grand mystère quand on sait que papa est traditionnellement affalé et avachi dans son fauteuil attendant que les choses s’organisent d’elles-mêmes.
A moins qu’il ne soit tout simplement qu’une question de timing.
Car tout le monde le sait, « Araignée du matin, chagrin, araignée du midi, souci, araignée du soir Espoir»
La pendule marquait 23 h 59 ! il était temps !
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MathildaMardi 24 Octobre 2017 à 23:57
... A moins que cela ne soit ...
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très jolie scène de vie, bravo
dans cette phrase, il y a un mot qui me laisse perplexe:
"qui engloutit des pistaches en gouttant à son alcool "
Soit le mot gouttant est un allusion à la goutte savourée
Soit il aurait fallu l'écrire "goûtant"
Ce qui ajoute au charme de l'historiette !
Bravo à ton fils
Oui, merci Dominique, "gouttant" est un fantôme de "prendre la goutte". Je rectifie !