• Ô raisons funèbres !

     

    Ô raisons funèbres !

     

    ― Appelez-moi Patisson !

    ― …

    ― Oui, Patisson, j’ai besoin de vos compétences. Vous savez que conformément à la directive 69 – 6  du Code des pénitenciers, on doit maintenant faire une oraison funèbre au décès de chaque détenu.

    ― Ah ?

    ― Oui. Et c’est vous que j’ai chargé de cette tâche.

    ― Mais, moi je suis cuisinier !

    ― Oui, bon, vous travaillez déjà dans la viande froide et les os à moelle, non ? Ça ne devrait pas trop vous changer. Mettez-la à votre sauce, faites-moi quelque chose de bien léché, aux petits oignons, c’est juste qu’au lieu d’ouvrir une boîte ça sera pour la fermer quoi… De toute façon la bière ça vous connait, n'est-ce pas ?

    ― Mais…

    ― Allez exécution ! Je compte sur vous, et dépêchez-vous, la morgue me dit que ça commence à sentir le faisandé de par chez eux. Ah ! au fait, tenez voilà les états de service du défunt. Eh ! pas de faute de goût, hein, vous savez qu’on ne dit pas de mal des morts…

    ― Alors, voyons, qu’est-ce qu’il dit ce dossier-là, voyons, voyons. A 14 ans met le feu à son lycée en essayant d’allumer un pétard… Un pétard, oui, mais quel genre de pétard ? C’est pas dit. Bon, voyons, à 15 ans est arrêté pour vente de hachis. Hachis ? Il était cuisinier lui aussi ? Non y-z-ont dû oublier un « h » à la fin. A 16 ans torture les voisins de son chat, non, les chats de son voisin. Des chats ? C’est une brute ce type, ma parole ! A 17 ans viole la chèvre de sa voisine ? Euh non, sa chèvre de voisine ? Bizarre. A 18 ans kidnappe la petite XXX âgée de neuf ans alors qu’il est en cavale. Il explique qu’elle l’a violé. Il est fou lui ma parole ! Arrêté, condamné à 20 ans de prison, libéré en appel, sa voisine et la petite auraient été consentantes. Bon… Braque une banque, trois morts, butin : un sac-à-main de grand-mère. Attaque de fourgon blindé, deux morts. Run-fast, 150 kg de cocaïne. ... Bombe dans un TGV, rien ne m’étonne plus. Radicalisé, il explique que les dix commandements, il est chargé de les faire appliquer aux autres, et que c’est pour cette mission que Dieu lui a demandé de tuer en son nom, de voler, de violer, de prendre la femme des autres. Décidément l’enfer est pavé de bonnes intentions ! Ah ! Voilà, enfin ! condamné à perpétuité. Tue ses trois compagnons de cellules… pour avoir un peu plus de place. Urine sur le directeur de la prison. C’est un délit ça ? Tente de s’évader, oui, ça ne m’étonne pas. Se marie avec l’aumonier et adopte un enfant conçu par GPA. Tiens, après il se calme, meurt d’un cancer de la prostate… Flûte ! Qu’est-ce que je vais bien pouvoir dire moi ?

    ― Bonjour à tous, en tant que directeur de la prison, je vous remercie d’être là pour mettre en terre celui que nous avions coutume d’appeler Bébert. Voici un petit discours pour notre très cher ami disparu. « Bébert, c’était quelqu’un, quelqu’un comme personne, et non pas personne comme tout le monde. [Patisson, c’est quoi ces conneries ?] Dès sa plus tendre enfance, il égayait ses camarades en tirant des feux d’artifices. Amoureux des animaux, plein d’attention envers les enfants, c’était quelqu’un qui avait le cœur sur la main, et pas seulement celui des autres ! Il était toujours prêt à rendre service à sa voisine, à soulager les plus âgés du poids de leurs sacs, ainsi qu’à soigner les maux du monde à coup d’herbes médicinales, ce qui en a stupéfié plus d’un. Il n'a également eu de cesse de montrer la vanité des biens à ses contemporains. Certes ceux-ci n'ont pas toujours compris son action,  car Bébert était en avance sur son temps. Épris de liberté, il a même œuvré pour faire de la place dans la prison, renversant les idées reçues sur les sexes et les genres. Amoureux des arts, tout le monde se souviendra de lui dans le rôle du Manneken-Pis. Amoureux de Dieu, que de sacrifices n’a-t’il pas fait pour répandre la bonne parole au milieu d’un monde incrédule et incroyant ? Adepte de la nouvelle famille traditionnelle, il aura également œuvré pour faire avancer les mœurs.  Bébert, en cette heure nous sommes tous réunis ici pour te dire au revoir. Bébert, nous ne t’oublierons pas ! [Patisson,  dans mon bureau !]

     


  • Commentaires

    1
    domi
    Samedi 18 Novembre 2017 à 20:49

    vraiment très bon, je te charge de mon éloge funèbre, à accomplir le plus tard possible

    homélie ou homme au lit ? Besos

      • Samedi 18 Novembre 2017 à 21:09

        Merci Dominique ! Homélie, femme au lit !

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